La Coupe de France de Recrutement en 7 mots

La première Coupe de France de Recrutement s’est déroulée du 20 au 25 mai 2016, avec aux commandes Pierre-Arnaud Andrieu et la formidable équipe de Link Humans, qu’on ne présente plus. Cet événement s’adressait exclusivement à des étudiants, et j’ai eu l’insigne honneur de faire partie du jury de la finale.

Mais pour vous parler de cet événement, aujourd’hui je choisis la concision et je vais me limiter à 7 mots: enfin, sourcing, licornes, passion, espoirs, enthousiasme et bravo!

Enfin!

Il arrive que quelqu’un ait une excellente idée et qu’on se demande comment personne n’y avait pensé avant… et c’est typiquement ce qui s’est passé pour moi et cette Coupe de France! A tel point que lorsque j’ai compris que c’était la première édition, je suis tombée de ma chaise. Alors, merci Pierre-Arnaud pour cette initiative mais je dirais surtout… enfin!

Sourcing

Cette compétition a mis à l’honneur une facette trop souvent négligée du recrutement: le sourcing. On a couramment l’image du recruteur qui anime des entretiens, mais cette phase n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg. Ainsi, la sélection des 3 équipes finalistes (composées chacune d’un duo d’étudiants) parmi les 27 en course s’est faite sur une épreuve de sourcing pure: il s’agissait de trouver un dénommé Sébastien Jean en fouillant différents outils tels que Facebook, Twitter, Indeed et RégionsJob notamment. Un vrai travail de détective qui caractérise très bien ce qu’est le métier de recruteur en 2016.

Licornes

Mais quel profil fallait-il rechercher? Un éleveur de licornes! Au delà de l’aspect ludique de cette profession farfelue, le principe est de démontrer qu’un bon recruteur, armé des méthodes adéquates et suffisamment curieux, pourra recruter tout type de profil. Mais cela a donné lieu, lors de la finale, à des échanges assez invraisemblables, je vous laisse imaginer! Et bien sûr, cela fait écho à la mode actuelle qui veut que l’on appelle « unicorn », licorne en anglais, les start-ups et entreprises qui se veulent différentes sur le marché et essaient d’apporter de nouvelles choses, notamment en termes de management. Bref, nous voguions dans l’air du temps.

Passion

Lors de la finale, les 3 équipes sélectionnées ont dû animer un entretien face à un dénommé M. Maredsous, éleveur de licornes légèrement porté sur l’alcool et toujours prêt à parler de sa femme, qui l’avait visiblement quitté il y a un peu. Un candidat fort peu coopératif et plutôt discourtois qui a donné du fil à retordre à nos charmants concurrents. Pour autant, les étudiants ont réussi à ne pas (trop) se laisser déstabilisés et à faire preuve de professionnalisme. Ils nous ont démontré leur passion pour le métier du recrutement, et je peux vous dire que lorsqu’on travaille depuis plusieurs années dans ce secteur, cela fait beaucoup de bien de rencontrer ce type de personnes. En effet, et bien malheureusement, le recrutement est trop souvent un métier choisi par défaut, et rares sont les praticiens qui vouent une véritable passion pour cette profession. Mes collègues du jury, les spectateurs et moi-même sommes ressortis de cette finales fort enthousiastes quant à l’avenir du recrutement effectué par des passionnés tels que ces finalistes!

(Pour les ignorants comme moi, le Maredsous, c’est ça:

Merci aux finalistes Justine Gagneux et Jacques Mouelle pour la minute culturelle 🙂 ).

Espoirs

Lors du débriefing de la finale, j’ai expliqué aux autres personnes présentes que je considérais ces étudiants comme les espoirs du recrutement. Bien sûr, ils ont fait des erreurs lors des entretiens, mais il s’agissait d’erreurs classiques de débutants… et encore n’en ont-ils pas fait beaucoup. Nous avons surtout observé de bons réflexes, une envie, une curiosité qui nous font pensé que ces étudiants peuvent aller loin dans ce métier exigeant, complexe… mais surtout passionnant et stratégique qu’est le recrutement.

Enthousiasme

Etudiants, jury (je salue d’ailleurs mes collègue jurés qu’étaient le formidable Jean-Marie Caillaud, Responsable Recrutement chez Ippon Technologies, et Jean Pralong, éminent professeur au sein de NEOMA Business Schhol), organisateurs, « coaches » des participants (certains étaient venus bien entourés!), professeurs et représentes de l’IGS, qui a accueilli la compétition, tous étions animés d’un même enthousiasme, pour cette première édition de la Coupe de France, et pour le Recrutement en lui-même. Nous avons passé un après-midi fort agréable et avons tous hâte de participer à la prochaine édition.

Bravo!

Bravo encore à notre duo vainqueur de cette première édition: Katia Bonfante et Loïc Lengrand, venus spécialement de Lille pour la finale.

Etudiants passionnés de recrutement, ne manquez pas cet événement!

D’autres ont écrit des billets sur cet événement: celui de mon ami du jury Jean-Marie Caillaud et celui de LinksHuman sont à lire absolument!

Un guide pratique – 90 jours pour réussir sa prise de poste

Quelques semaines après mon arrivée chez Itelios, je recevais un cadeau de la part de la société ADP (société spécialisée en paie et gestion du capital humain): le livre « 90 jours pour réussir sa prise de poste » de Michael Watkins.

Pour la petite histoire, ce cadeau m’a surprise: je n’ai jamais travaillé avec cette société et ils ne m’avaient prévenu de cet envoi. En outre, bien que je les ai remerciés par Twitter interposé, ils ne m’ont jamais harcelée par la suite pour que j’ai recours à leurs services. Incroyable par les temps qui courent! J’ai donc bien évidemment une excellente image de cette société… Et j’ajouterai que mon DAF s’est montré très jaloux de ce cadeau, lui qui avait acheté ce même livre quelques semaines avant d’intégrer notre entreprise :).

Pour être honnête, je n’avais absolument pas envie de lire cet ouvrage. Je fais partie des personnes qui se méfient des titres avec des nombres dedans (Les 5 recettes miracles pour… / Les 20 meilleurs… / Les 15 pièges à éviter…). De plus, je ne suis pas fan de livres de management (hormis sur des sujets liés aux RH bien sûr), ni de donneurs de leçon qui sauraient mieux que moi ce que je dois faire. Mais bon, c’était un cadeau. Et puis Nicolas, mon DAF, me l’avais conseillé en m’affirmant qu’il s’agissait d’un bon livre avec des idées intéressantes. Je me suis donc penchée sur les critiques officielles de l’ouvrage (que l’auteur ne manque pas de rappeler dans son introduction, avec beaucoup de modestie 🙂 ), ce qui m’a permis de découvrir qu’il s’agissait d’un best seller dans son domaine, et ce depuis plusieurs décennies. Le livre a reçu différents prix et de nouvelles éditions sont publiées régulièrement. Autant de raisons qui ont éveillé ma curiosité, suffisamment pour que je m’attèle à la lecture de cet ouvrage.

Un titre trompeur!

« 90 jours pour réussir sa prise de poste » part du principe que les trois premiers mois passés à un poste sont déterminants pour la suite de l’aventure. Force est de constater que c’est effectivement le cas. Même s’il est toujours possible de rattraper un début chaotique, il est évident que mettre toutes les chances de son côté dès le départ ne peut que maximiser les chances de réussite.

Cependant, le livre propose de travailler à sa future prise de poste bien en amont du premier jour. Il s’agit de réfléchir à un plan d’action, de glaner un grand nombre d’informations, de travailler à son introspection en tant que professionnel et manager… L’auteur insiste d’ailleurs sur le temps que l’on doit consacrer à ces différentes tâches lors de son préavis de démission de son poste précédent. Autant dire que moi, qui ai eu ce livre dans les mains plusieurs semaines après mon arrivée dans ma nouvelle société, partais avec un handicap certain!

En outre, le titre parle de prise de poste. Dans les faits, il concerne surtout des managers à hautes responsabilités: les excemples exposés décrivent surtout des multinationales, des directeurs de Business Units ou de filiales, et, surtout, des personnes déjà expérimentées. Alors bien sûr, on n’allait pas allonger un titre déjà conséquent, mais notons bien que ce livre ne s’adresse pas à tout le monde, et en tout état de cause ni à un débutant, ni à un poste dénué de responsabilité et de jeux de pouvoir.

Une approche analytique

Tout au long des différents chapitres, l’auteur nous propose de se poser et de réfléchir avant de passer à l’action. Il s’agit d’analyser nos forces et nos faiblesses sur plusieurs dimensions (capacités managériales, réseaux, connaissances de la structure intégrée…), de prendre le temps d’observer les personnes que l’on va côtoyer (collègues, supérieurs, subalternes, autres services, clients…), de s’imprégner de la nouvelle culture (même si on ne fait « que » changer de service au sein de la même entreprise, la culture peut être radicalement différente!). Le livre foisonne d’exemple, surtout d’échecs d’ailleurs, ce qui permet de réfléchir, car bien souvent on trouve dans les réflexes de la personne ayant pris les mauvaises décisions des traits qui nous ressemblent!

Toutes les dimensions sont abordées: le contenu du poste, le management de l’équipe, la position vis à vis de la hiérarchie, comment et où trouver des relais et des soutiens, etc. L’auteur encourage beaucoup à écrire, à dresser des tableaux, à consacrer du temps à ce travail. Cela permet de poser ses idées et de pouvoir revenir au cours des chapitres sur ce qui a été vu précédemment, car tout n’est peut-être pas toujours compatible et certaines découvertes faites au cours du livre peuvent remettre en question des prises de position précédentes.

Ce qui est appréciable est que l’auteur n’impose pas de recette miracle. Au contraire, il propose différentes matrices dans chaque chapitre pour permettre à chacun de se positionner sur différents critères. Même si le style et les exemples proposés montrent assez clairement que l’auteur privilégie l’une ou l’autre approche, l’un ou l’autre modèle, il laisse une porte ouverte. A chacun donc de choisir son style en connaissance de cause.

Parfois trop simpliste?

Au cours de ma lecture, il m’est arrivé de penser que certains chapitres relevaient uniquement du bon sens, voire qu’ils étaient trop simplistes. Mais de fait, c’est plus ou moins le fait de l’ensemble du livre. En effet, cet ouvrage ne propose pas de révolutionner le management ni d’inventer de nouveaux préceptes (fumeux): c’est un guide, un accompagnateur. Il a pour principal mérite de nous permettre de nous arrêter, d’ouvrir une parenthèse pour réfléchir et de nous pousser à arrêter de courir. Nous aurions tous certainement pu arriver aux même conclusions seuls dans notre coin, mais cela nous aurait pris plus de temps! Autant utiliser ce guide pratique qui peut d’ailleurs nous conforter dans notre vision des choses.

En résumé, ce n’est pas parce que le contenu n’est pas inintelligible qu’il ne faut pas l’écrire!

Idéaliste?

Si on applique à la lettre les recommandations du livre, j’ai bien peur que notre nouveau manager ne l’apprécie guère (ni notre ancien manager, compte tenu du temps que l’on est sensé consacrer lors de notre préavis de démission à la préparation de notre nouveau poste…). En effet, entre la prise de connaissance, l’évaluation de la situation, la construction d’un plan d’actions, la négociation des objectifs et des moyens… à moins de consacrer nuits et jours à son nouveau travail, cela laisse peu de temps aux réalisations concrètes dans le poste! D’autant plus que généralement, sur un nouveau poste, on est attendu au tournant et le manager exige des résultats rapides pour se rassurer et décider de la qualité du recrutement effectué. Attention donc à trouver le bon équilibre!

En outre, le livre décrit évidemment une situation idéale, dans laquelle beaucoup d’informations sont disponibles, l’organigramme est relativement clair, etc. Parfois, une prise de poste est digne du far west! Cette lecture m’a quelques fois fait penser à un monde idyllique…

En résumé…

Je suis contente d’avoir eu ce livre entre les mains, même si cela a été un peu tard dans mon cas… Il m’a en fait confortée dans les directions que j’avais déjà empruntées en les théorisant et en me permettant de prendre du recul.

Je conseillerais donc cet ouvrage à toutes les personnes amenées à prendre un nouveau poste à responsabilité dans les semaines à venir. A lire idéalement avant la prise de poste pour avoir le temps de se préparer au mieux et de se poser les bonnes questions!

Vous voulez faire chic et vous faites plouc!

Lorsque j’étais en classes préparatoires, mon éminent professeur de culture générale utilisait cette expression lorsque nous avions tendance à adopter un style alambiqué, ce qui nous faisait irrémédiablement tomber dans la lourdeur voire la faute de français. Aussi avait-il tendance à conclure son propos par son fameux: « vous voulez faire chic et vous faites plouc! ». Simple, percutant et inoubliable!

Il y a quelques jours, alors que je cherchais un sujet pour un nouveau billet pour ce blog, quelques uns de mes contacts me suggéraient avec humour et ironie tous les « buzzwords » et « clickbaits » à la mode. Et finalement cela m’a inspiré :).

On a en effet l’impression, lorsqu’on passe du temps sur internet à faire de la veille, mais également dans la presse, d’assister à une surenchère permanente. C’est à celui qui parlera en premier du dernier sujet à la mode, voire à celui qui inventera le prochain concept qui fera fureur – et recette.

En ce moment, il devient quasiment impossible de lire un article RH qui n’utiliserait pas les termes « big data », « disruptif », « intrapreunariat »… et j’en passe. Mais à force de vouloir faire chic… Prenons le big data par exemple. Tout le monde en parle, on lève les bras au ciel lorsqu’on entend quelqu’un avouer qu’il n’utilise pas le fameux big data… Et pourtant, je suis persuadée que l’immense majorité de ceux qui en parlent n’ont aucune idée de ce dont il s’agit. Le meilleur article à ce sujet est sans conteste celui de l’excellent Nicolas Galita de LinkHumans: Qui comprend le big data dans le recrutement ?

Cependant, ce qui avait été au départ un buzzword peut devenir par la suite un véritable concept, si ce n’est un poncif. Prenons par exemple la célèbre génération Z: on en a beaucoup parlé lorsque l’idée a émergé, tout le monde y est allé de sa petite définition, jusqu’à ce que des études sérieuses apportent des données concrètes qui font qu’aujourd’hui une grande majorité de personnes accepte ce concept- même si certains continuent à le remettre en question, et même si d’autres essaient de lui supplanter la « génération millenial ».

Il n’est pas facile, et je dirais même impossible, de savoir quelle nouvelle idée fera recette. Un magnifique exemple: le fameux « digital ». Ah celui-là, il m’a plu… Je rappelle que digital, en français, signifie « qui se rapporte au doigt », comme le rappel cet article de la sacro-sainte Académie Française. On parle bien d’empreintes digitales… En français, on se doit de parler de Stratégie Numérique, et non de Stratégie Digitale (qui, stricto sensus, rappelle plus le chi fu mi qu’un pan important de l’entreprise). Digital, c’est de l’anglais qu’on a oublié de traduire, et on passe pour des ploucs. Un compte twitter avait d’ailleurs été créé pour l’occasion: Numérique, bordel! (comme quoi, certains sont encore plus énervés que moi, et encore plus « orthographo-grammairo-nazis »).

Cependant, malgré la résistance de certains, le terme de digital a fini par s’imposer dans le monde de l’entreprise multinationale française, qui adore mêler français et anglais. Les prestataires et partenaires de ces sociétés s’y sont mis également, et tout le monde a fini par adopter le digital, au point que certains, dont le fameux Jean-Noël Chaintreuil, ont signé un très bon ouvrage: RH et digital. Comme quoi…

Demeurent donc deux difficultés majeures:

  1. Savoir à partir de quand on peut adopter un concept ou un terme qui paraissait passer pour fumeux au départ sans passer pour un plouc.
  2. Réussir à lire des articles de fond sur ces sujets malgré la course incessante au scoop et aux clickbaits.

Et pour ceux qui se demanderaient ce qu’est réellement un plouc, la petite vidéo indispensable est ici!

RH et Risques Psychosociaux, une relation plus étroite qu’on le croit…

Voilà maintenant une dizaine d’années que je travaille dans la fonction RH, et il m’est déjà arrivé de nombreuses mésaventures, ou plutôt, il est arrivé à des personnes que je côtoie du fait de mes fonctions des événements tragiques relativement nombreux. On pourrait croire que je suis un véritable chat noir, mais lorsque j’en parle à mes camarades praticiens de la fonction RH, je ne suis pas la seule à être confrontée à ces sujets.
Du candidat qui disparaît pendant plusieurs mois avant de rappeler le recruteur en l’informant qu’il était dans le comas, aux divorces de salariés, des décès de proches aux tentatives de suicides, des anorexies aux burn out… Dans Ressources Humaines, il y a « Humaines », nous sommes évidemment en contact permanent avec un grand nombre de personnes et, de fait, confrontés à de multiples « accidents de la vie ». C’est à la fois ce qui fait la valeur et la difficulté de notre fonction. Tous ceux qui ne veulent pas y avoir affaire devraient se tourner vers d’autres métiers: les chiffres, les produits, les lois et les lignes de code ont moins d’états d’âme.
Petite anecdote, pour revenir sur mon côté chat noir, un jour qu’un chasseur de têtes me contactait pour un poste et que je demandais ce qui était à l’origine de départ de la personne précédente, il m’a répondu, non sans gêne: « eh bien, il est décédé… ». De quoi jeter un froid!


Les « accidents de la vie »

Une vie de travail, c’est long. Nous sommes en grande majorité amenés à travailler au moins quarante bonnes années de notre vie. En quarante ans, il peut s’en passer des choses, et tous ou presque sommes un jour confrontés au décès d’un proche par exemple. Des difficultés d’ordre personnel, des dépressions, des divorces… la vie n’est bien sûr pas un long fleuve tranquille. Si, pendant longtemps, on considérait que les problèmes personnels devaient rester à l’extérieur de l’entreprise, la tendance moderne, plus humaine, plus réaliste, est désormais de prendre en compte les contextes personnels et les difficultés de chacun. En France, nous avons la chance d’avoir une législation relativement compréhensive, avec par exemple des congés pour événements familiaux ou la possibilité d’assister un enfant gravement malade (voir entre autres les articles L3142-1, L3142-2, L1225-61, L1225-65-1 et L11225-65-2 du Code du Travail). Certaines conventions collectives vont même au-delà de la législation, merci à elles.


En outre, certaines entreprises mettent en place des actions généreuses et « altruistes » pour leurs salariés. L’exemple le plus connu est Google, qui, en cas de décès d’un de ses salariés, reverse à sa famille une pension pendant 10 ans (les détails ici). Certaines grandes entreprises s’offrent le luxe d’embaucher un psychologue à plein temps pour assister les salariés qui le souhaitent, et d’autres proposent des systèmes tels que les tickets psy. Evidemment, d’aucuns diront qu’il ne s’agit pas d’altruisme mais de marketing, que ces actions permettent de faire une publicité positive, et donc de tout à la fois redorer l’image d’une entreprise tant en attirant de possibles candidats, ce qui n’est pas faux… mais j’objecterai que ces entreprises auraient aussi pu installer une salle de sport dans leurs locaux, l’effet aurait était le même sur l’image et le recrutement, avec en plus un plan de communication plus… réjouissant. Remercions donc plutôt les entreprises à l’origine de ces initiatives très humaines.

Il est évident que toutes les entreprises ne sont pas Google, mais toutes peuvent agir à leur échelle. Les services RH, en particulier dans les petites structures, mais aussi et surtout les managers de proximité se doivent d’être attentifs à leurs collaborateurs, d’être à leur écoute. Dans ces situations difficiles, chacun aura une réaction différente mais tous auront besoin d’être compris et de trouver en face d’eux une personne empathique, si ce n’est compatissante, et compréhensive. Ces personnes (managers ou RH) ne doivent pas hésiter à faire quelques aménagements dans un emploi du temps d’un salarié, à accepter quelques absences de dernières minutes, des journées raccourcies, du télé travail… ou toute action prouvant à la fois que la personne a véritablement de la valeur pour l’équipe et qu’elle est considérée comme un être humain, et non comme une ressource interchangeable et corvéable à merci. L’écoute et la compréhension sont les deux piliers de l’humanité en entreprise.


Les événements difficiles liés au travail

Malheureusement, de nombreux événements difficiles sont à imputer au monde professionnel lui-même: stress, harcèlements, burn out, dépressions, voire hélas tentatives de suicide, autant de sujets qui font régulièrement la une de la presse spécialisée mais aussi grand public.

Ces différentes menaces, regroupées sous l’appellation des Risques Psychosociaux (RPS), ont été niés par l’entreprise pendant des décennies. Le monde professionnel était alors empreint de virilité, de vieux clichés qui voulaient qu’on se montre fort, si ce n’est insensible, et qui avait établi que toute marque d’émotivité ne pouvait qu’être qu’une faiblesse. Combien de personnes cette vision du monde a-t-elle broyées? Il ne sera jamais possible de le savoir. Mais fort heureusement, la prise de conscience est désormais quasi générale. Les instances telle que la Médecine du Travail, l’INRS ou l’Inspection du Travail en ont fait une de leurs priorités et sensibilisent régulièrement les entreprises. Les CHSCT ont pris en partie cette responsabilité, et ce thème est très largement évoqué notamment lors des formations obligatoires des membres. La base est donc posée.


Néanmoins, nous sommes encore loin d’un traitement véritablement efficace et généralisé de ces RPS. Entre les entreprises qui sur-stressent volontairement leurs salariés, parce que voyez-vous, « c’est dans notre culture » (dans certains cabinets de conseil par exemple), celles qui sélectionnent leurs meilleurs employés au temps passé à travailler d’arrache pied et qui incitent les salariés à sacrifier soirées et week-ends, celles qui cultivent des compétitions effrénées et malsaines entre les collaborateurs, celles qui traitent les êtres humains comme des pions et les déplacent à l’envi d’un service à l’autre, quand ce n’est pas d’une ville à l’autre, celles qui pratiquent le harcèlement généralisé, etc. Les exemples et les dérives sont légion. En théorie, les garde-fous existent et sont nombreux: Médecine du Travail, IRP (CE, Délégués du Personnel, CHSCT), managers, services RH… Dans les faits, de nombreuses sociétés de taille modeste ne sont pas pourvues de toutes ces instances, des sociétés multi sites rendent le dialogue avec les managers ou les RH souvent très compliqué, et parfois la loi du silence prime et ceux qui devraient protéger les salariés deviennent des complices. Hélas…

Cependant, ces derniers temps, de nombreux signes positifs pour une amélioration universelle du climat psychosocial ont point: on a par exemple beaucoup parlé de Goldman Sachs qui a limité la journée de travail de ses stagiaires à 17 heures (sic). De grandes sociétés, comme BNP Paribas, Capgemini ou Carrefour ont mis en place des politiques de gestion des emails: impossible d’en envoyer entre le vendredi soir et le lundi matin. Des chartes se multiplient, concernant l’équilibre vie privée vie professionnelle, le non travail le soir et le week-end, etc. On parle d’un droit à la déconnexion, on incite fortement au télétravail, les lois sur le harcèlement sont désormais affichées dans toutes les entreprises et nombreux sont ceux qui planchent sur des outils de détection des RPS, à travers des grilles d’auto évaluation et des observations (pour le plus grand bonheur des cabinets d’audit et de conseil spécialisés). On va donc dans le bon sens, fort heureusement.

En outre, dans un marché du travail où certains profils sont pénuriques (certains développeurs informatiques, ou des consultants par exemple), les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour améliorer la Qualité de Vie au Travail (QVT). Babyfoot, animaux de compagnie acceptés au bureau, snacks et café gratuits, fruits à disposition, salles de sieste et de repos, cours de yoga… Le credo de ces sociétés: un salarié heureux et détendu est un salarié performant. De nombreuses études le prouvent, chiffre à l’appui, et des initiatives comme Great Place To Work encouragent cette tendance. Pourvu que ça dure!


Ma vision des choses

Puisque nous sommes sur mon blog, je me permets de donner ma modeste vision de cette problématique. Comme je l’évoquais en introduction, comme toute praticienne RH, j’ai été déjà confrontée à plusieurs situations difficiles. Les salariés viennent souvent spontanément me parler de leurs problèmes, professionnels le plus souvent mais aussi, parfois, plus personnels. Je prends cela pour une marque de confiance, et je m’efforce d’être à la hauteur. Cela veut dire, bien sûr et en premier lieu, être attentive, disponible et respectueuse, puis veiller rigoureusement à la confidentialité de ce type d’information, mais aussi pouvoir apporter une réponse adaptée ou une aide et un accompagnement.

Ainsi, chez Itelios, ma société, nous mettons beaucoup l’accent sur la QVT. Comme beaucoup d’entreprises, nous avons investi dans ce que j’appelle la « cosmétique », les actions visibles et qui font parler de nous: le babyfoot, la console de jeux, la salle de sieste, les fruits frais deux fois par semaine, etc. Si cela contribue à une bonne ambiance et à une certaine douceur de vivre, ce ne sont que des révélateurs d’une tendance bien plus profonde. Par exemple, nous sommes extrêmement attentifs aux horaires de travail de nos « Galopins » (le petit nom affectueux de nos collaborateurs), et je fais la chasse à ces récalcitrants qui s’obstinent à travailler tard le soir et le week-end! Les heures de récupérations sont de rigueur. Mais surtout, nous nous attachons à maintenir une grande proximité avec les collaborateurs. Mon mot d’ordre: être à leur disposition en permanence. Il est symptomatique de souligner que les membres de la direction ne disposent pas d’un bureau fermé et fixe: ils travaillent dans le même espace que les autres Galopins et sont nomades. Cela encourage chacun à venir se confier en cas de besoin… et fait tache d’huile. Personne (du moins je l’espère) n’hésite à venir parler, avec moi ou un autre membre de la direction. En cas de besoin, télé travail, aménagement d’emplois du temps et surtout respect de chaque situation particulière est de mise.

En outre, je mets bien sûr ma petite touche personnelle :). J’ai aménagé une bibliothèque avec quelques livres judicieusement choisis (quelques livres sur le stress de Patrick Légeron, d’autres sur la gestion du temps, sur des formes novatrices et humaines de management, etc.) et je rate jamais une occasion d’en parler lorsque cela me semble opportun. Si certains s’étonnent lorsque j’évoque ce type de sujet, j’ai rapidement constaté que les ouvrages, en libre service, avait tendance à disparaître dès que j’ai le dos tourné et à retourner à leur place quelques jours plus tard. Le simple fait d’afficher ce type de préoccupation montre clairement à nos salariés que ces sujets nous tiennent à cœur, mais il faut encourager chacun à s’y intéresser… et à appliquer les bonnes recettes ou leurs interprétations personnelles.


Et on n’oublie pas les RH… population à risque!
Ces derniers temps, j’ai remarqué un regain d’intérêt pour le sujet des RPS spécifiques à la fonction RH (une étude a été menée dernièrement, j’y ai répondu et j’en attends les résultats avec impatience). En effet, non seulement notre fonction est exigente (nombre de thématiques à traiter grandissant, sujets délicats, comme certaines négociations avec les IRP, voire plans de licenciement, fortes attentes de la direction et des salariés, mauvaise réputation de la fonction, etc.) mais en plus les praticiens sont confrontés à des salariés qui peuvent également être impactés par les sujets évoqués précédemment, et l’empathie des praticiens peut être dangereuse pour eux-mêmes. En fin de compte, certains RH peuvent être considérés comme des « aidants »: on appelle ainsi les personnes en charge par exemple d’un membre de leur famille malade ou handicapé (le conjoint d’un malade d’Alzeimer, les parents d’un enfant autiste, etc.). La problématique de soutien des aidants, qui se retrouvent souvent bien seuls tant physiquement (isolés) que psychologiquement, est depuis peu abordée par les autorités publiques et de santé. Certains auteurs évoquent la possibilité de considérer les praticiens RH comme des aidants. Extrême? Peut-être pas toujours.
Quoi qu’il en soit, je pense (mais attends les chiffres) que les RH sont plus soumis aux RPS que bon nombre de fonctions du tertiaire. A titre personnel, je connais beaucoup de praticiens de la fonction qui sont fortement impactés psychologiquement par leur travail et qui aurait besoin d’un accompagnement ou d’un espace de parole pour partager leurs expériences complexes. J’ai moi-même vécu des événements délicats et ai été soulagée de pouvoir m’en ouvrir à des personnes compétentes.  Il ne faut donc pas négliger le soin à apporter aux praticiens de la fonction. A bon entendeur…